DISPARATION
ALBERT JACQUARD, CITOYEN ET SCIENTIFIQUE ENGAGÉ
Albert Jacquard© Reuters / Charles Platiau
Le 12 septembre
2013 | Mise à jour le 12 septembre 2013
CLÉMENT MATHIes
CLÉMENT MATHIes
Le
généticien Albert Jacquard, connu pour ses travaux comme ses engagements
citoyens, est décédé. Dans les hommages rendus depuis l’annonce de sa
disparition jeudi matin, un mot revient invariablement. Humain. Albert
Jacquard, le généticien, le philosophe, le citoyen engagé, était avant tout un
humaniste. Président d'honneur de l'association Droit au logement (DAL), auteur
de nombreux ouvrages, chercheur, il s’est éteint à l’âge de 87 ans. Sa soif de
réussite intellectuelle et sa volonté infatigable défendre la cause des
faibles, Jacquard les a puisées dans un accident tragique qui aura marqué ses
jeunes années.Comme il
l’avait raconté en détail à Paris Match en 2012, ce
Lyonnais de bonne famille était en route pour fêter le nouvel an avec ses
parents quand leur voiture a dérapé sur le verglas et s'est trouvée percutée
par un tramway. Son petit frère de 5 ans meurt sur le coup. Ses grands-parents
succombent le lendemain.
Lui
n’avait que neuf ans. Son visage est enfoncé. Malgré les opérations, il est
défiguré à vie. Il ne se reconnaît plus. «Les miroirs deviennent mes ennemis
intimes», nous confiait-il. Pour fuir le regard des autres, il s’enferme dans
la lecture. S’en suit un parcours scolaire exemplaire, bac avec mention, puis
Polytechnique. Il travaille pour la Seita (société nationale de tabac), au
ministère de la Santé publique, puis l'Institut national d'études
démographiques (Ined).
A 40 ANS, IL DEVIENT GÉNÉTICIEN
ET DÉCOUVRE L'ENGAGEMENT CITOYEN
A 40 ans,
il décide de changer de voie. Il part pour la prestigieuse Université de
Stanford aux États-Unis où il étudie la génétique et découvre ce qu’est
l’engagement. Nous sommes en 1967 et Albert Jacquard est témoin des émeutes
raciales et du mouvement des droits civiques, de la protestation contre la
guerre du Vietnam et des manifestations pour changer le monde. De retour en
France en 68, il revient à l’Ined comme directeur de recherche.
Docteur
en génétique et en biologie humaine en 1970 et 1972, il est professeur à Paris,
Genève, Louvain, Québec. Dans le même temps, il est nommé expert en
génétique auprès de
l’Organisation mondiale de la santé, charge qu’il conservera jusqu’en 1985. Il
reçoit tous les honneurs de la France en 1980: officier de Légion d'honneur,
commandeur de l’Ordre national du Mérite et prix scientifique de la Fondation
de France.
LA VULGARISATION SCIENTIFIQUE
COMME MANIFESTE CONTRE LES INÉGALITÉS
C’est au
cours de cette décennie qu’Albert Jacquard s’investie dans le débat public. En
1975, il avait déjà publié «L'Eloge de la différence», un essai de
vulgarisation scientifique en forme de manifeste contre les inégalités. Fort de
ce succès, il publiera jusqu’à sa mort une cinquantaine d’ouvrages du même genre,
mais également des essais plus politiques ou clairement philosophiques,
abordant le thème des prions ou l’existence de Dieu.
Entre
1983 et 1988, il est membre du Comité de consultatif national d'éthique.
Adversaire méthodique des thèses racistes, il est appelé à témoigner au procès
du nazi Klaus Barbie pour crimes contre l'humanité en 1987. Politiquement, il
est candidat de la gauche alternative aux législatives à Paris en 1986, puis de
nouveau en 1999 sur la liste écologiste conduite par Daniel
Cohn-Bendit.
Dans les
années 1990, Albert Jacquard s’investit dans la cause des mal-logés, celle des
sans-papiers. Il milite avec l'Abbé Pierre et travaille avec Axel Kahn. S’il
s’était fait plus discret ces dernières années en raison de son âge, il avait
défendu les idées de décroissance soutenable, la langue internationale
Espéranto, l'abandon du nucléaire civil et militaire… Des causes aussi variées
que nombreuses, embrassant toute son humanité.
Le
CRAC Europe pour la Protection de l’Enfance est endeuillé en ce jeudi 12
septembre. Bien sûr, nous avons
perdu notre président d’honneur, mais pas seulement. Nous avons aussi, et
surtout, perdu un grand homme.
Ses prises de positions fermes et courageuses sur la torture
tauromachique ne faisaient que refléter l’humanisme d’Albert Jacquard,
l’humanisme au sens dans lequel nous nous l’entendons : le fait d’être
humain, le fait de placer, non pas l’homme, mais les valeurs humaines,
au-dessus de toutes les autres valeurs.
Ce soir, nous nous souvenons de celui qui nous avait rejoints pour
inaugurer à Carcassonne l’une de nos premières campagnes d’affichage en 2003.
Impressionnés, nous l’étions, mais lui nous avait dit “moi, je
ne suis rien, c’est vous qui faites tout le travail, et la moindre des choses
est de vous soutenir, car c’est un combat juste.“. Des rencontres
comme on en fait peu…
Albert Jacquard se demandait tout simplement « Comment
le législateur peut-il à la fois condamner une activité considérée comme
contraire à l’éthique et s’incliner devant le poids des habitudes ?
Faudrait-il permettre aux maris de battre leurs femmes dans les villes ou les
villages où cela se pratique depuis longtemps ? (…) Le rôle de
la loi n’est pas de tolérer, mais de tracer dans la bonne direction. »
Le simple bon sens, mais énoncé avec talent. Et tellement de
simplicité.
Aujourd’hui un grand homme s’est éteint, ce soir nous
présentons bien entendu nos plus sincères condoléances à la famille d’Albert
Jacquard. Sa bonté et son intelligence nous manqueront.
Adieu Monsieur Jacquard, et merci!
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