Bac 2014 :
L`épreuves de philosophie
Ce lundi, les 329 000 candidats au bac général ont planché sur l'épreuve de
philosophie, coup d'envoi de la session 2014
L'épreuve de philosophie du
baccalauréat général a démarré à 8h ce lundi 16 juin.
afp.com/Frederick Florin
C'est parti. Les candidats au baccalauréat entament ce lundi le marathon des
épreuves de philosophie pour les filières générale et technologique.
Les sujets distribués aux élèves de la série S sont les suivants:
- "L'artiste est-il maître de son oeuvre?"
- "Vivons-nous pour être heureux?"
Les élèves sont aussi invités à réfléchir sur un texte de Descartes, tiré
de Règles pour la direction de l'esprit.
Pour la série
L, les élèves ont le choix entre deux sujets de dissertation:
- "Les oeuvres éduquent-elles notre perception?"
- "Doit-on tout faire pour être heureux?"
Le commentaire de texte porte sur un extrait de La connaissance
objective de Karl Popper.
Enfin, pour la série ES, les élèves peuvent disserter sur les thèmes suivants:
- "Suffit-il d'avoir le choix pour être libre?"
- "Pourquoi chercher à se connaître soi-même?"
Enfin, le commentaire de texte porte sur un extrait de Condition de
l'Homme moderne d'Hannah Arendt.
L`Èxpress, par Caroline Politi,
publié le 16/06/2014
à 12:53, mis à jour à 16:24
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Les élèves d'un lycée alsacien au début de l'épreuve de philosophie © Maxppp |
Bac 2014: les
corrigés de l`épreuve de philo
Ce lundi, les 329 000 candidats au bac général ont planché sur l'épreuve de
philosophie, coup d'envoi de la session 2014. L'Express a interrogé Laurence Hansen-Love, professeur de philosophie: elle vous livre
une ébauche de plan pour les six dissertations des séries générales.
EPREUVE
DE PHILO DE LA SERIE L
Sujet 1: "Les œuvres éduquent-elles
notre perception?"
C'est le sujet le plus difficile car la perception n'est pas une notion
systématiquement étudiée en cours. Il faut montrer que ce n'est pas quelque
chose de naturel: il faut éduquer notre sensibilité, notre rapport au monde. Le
mot "éduquer" est vraiment très important dans le sujet.
Thèse: l'art n'a pas pour but d'éduquer la
sensibilité mais de créer des œuvres. Celles-ci sont des libres représentations
qui n'ont de fins qu'elles-mêmes.
Antithèse: Toutefois, ces œuvres ont pour effet
d'aiguiser nos sens et de stimuler notre imagination. Dans cette partie, vous
pouvez notamment vous appuyer sur la pensée de Paul Valéry et notamment sa
célèbre citation : "Une œuvre d'art devrait toujours nous apprendre que
nous n'avions pas vu ce que nous voyons"
.
Sujet 2: "Doit-on tout faire pour
être heureux?"
Il s'agit d'un sujet beaucoup plus classique qui s'appuie sur des notions
de cours. C'est un sujet très "socratien".
Thèse: Tout n'est pas permis pour trouver le
bonheur. On ne peut pas donner libre cours à tous nos désirs à n'importe quel
prix. C'est même contre-productif, selon Platon. Dans Gorgias,
Socrate essaie de convaincre son interlocuteur qu'une vie sans excès est
préférable à une vie de jouissance immodérée.
Antithèse: Selon Alain, on a le devoir d'être
heureux. Pour nous, mais également pour les autres. Notre bonheur entraîne
celui des autres.
Synthèse: Pour être heureux, il faut savoir
hiérarchiser ses désirs. Epicure, dans Lettre à Ménécée, explique
que certains sont vains et sont même sources de graves déconvenues.
EPREUVE
DE PHILO DE LA SERIE ES
Sujet 1: "Suffit-il d'avoir le choix
pour être libre?"
Thèse: Non, car il y a de multiples conceptions
de la liberté. La liberté de choix n'est qu'une parmi d'autres, comme
l'explique Descartes. Vous pouvez notamment parler de l'opposition entre la
liberté d'indifférence - le plus bas degré de la liberté selon le philosophe -
et la liberté éclairée.
Antithèse: Mais il n'y a pas de liberté sans choix.
Seul l'homme est libre, contrairement aux animaux qui obéissent uniquement à leur
instinct.
Synthèse : Il faut avoir le choix, mais cela
ne suffit pas à définir la liberté. "Tu dois donc tu peux", a écrit
Kant. Selon le philosophe, la liberté chez l'homme, c'est de choisir la loi que
l'on se donne à soi-même.
Sujet 2: "Pourquoi chercher à se
connaître soi-même?"
"Connais-toi toi-même" était la maxime inscrite sur le fronton du
temple de Delphes qui est par la suite devenue celle de Socrate.
Thèse: L'ignorance de soi nous rend inapte dans
la recherche du bonheur. Vous pouvez par exemple citer les travaux de
Freud.
Antithèse: Se connaître soi-même est une démarche
positive et critique qui implique une réflexion sur ce qui donne du sens à
notre vie.
Synthèse: Se connaître soi-même, c'est
s'interroger sur ce que l'on veut vraiment : la sagesse, la vérité, le bien et
le mal. Il s'agit de la définition même de la philosophie. Vous pouvez parler
de la démarche de Socrate.
EPREUVE
DE PHILO DE LA SERIE S
Sujet 1: "L'artiste est-il maître de
son oeuvre?"
Il faut préciser qu'il y a beaucoup d'oeuvres collectives, comme les
pyramides d'Egypte ou les films qui nécessitent un auteur, un réalisateur et
des acteurs.
Thèse: Il appartient à l'artiste de définir les
objectifs de son oeuvre et d'en produire le style. "La vraie vie, la vie
enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue,
c'est la littérature", a écrit Proust. Pour l'écrivain, une oeuvre d'art
est une vision du monde propre à l'artiste et dont il est entièrement
dépositaire.
Antithèse : Une fois finie, l'oeuvre échappe à
l'artiste. Il n'est plus maître de son interprétation. Celle-ci à une vie
autonome et traverse les siècles en suscitant différentes émotions. C'est notamment
le propos d'Hegel dans L'Esthétique.
Sujet 2: "Vivons-nous pour être
heureux?"
Thèse: On admet généralement que le bonheur
est le but de la vie. Tous les hommes le recherchent. Dans cette partie, il
faut s'appuyer sur les épicuriens ou les stoïciens.
Antithèse: Mais le bonheur ne peut être un
objectif pour la volonté: plus on s'y attache, plus on risque de le rater.
Synthèse: Pour Kant, l'existence des hommes n'est
pas orientée vers le bonheur comme vers un but suprême, même si tous les hommes
y aspirent naturellement. L'objectif est de s'en rendre digne. On peut
également citer les propos d'Epicure: on ne peut atteindre le bonheur sans
sagesse.
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/education/bac-2014-les-corriges-de-l-epreuve-de-philo_1551505.html#o4qD73yzbPldaisQ.99
Le corrigé de Philosophie sujet 1, Bac L :
Les œuvres d’art éduquent-elles notre
perception ?
Problématisation possible :
Une œuvre d’art peut être définie comme la belle rencontre de la matière et
de l’esprit, issue de la libre création d’un artiste. Elle existe pour
elle-même mais aussi comme objet d’une contemplation, d’une expérience et d’une
jouissance esthétiques. On peut penser que le rapport aux œuvres d’art
n’apporte rien de plus, d’autant que notre perception ne semble pas devoir être
éduquée, si par percevoir on entend simplement avoir une sensation visuelle,
ouvrir les yeux et recevoir le monde et par éduquer, apprendre, enseigner. Se
demander si les œuvres d’art peuvent éduquer notre perception, c’est donc
présupposer que voir ce n’est peut-être pas vraiment percevoir, que la
perception exige un apprentissage, un médium, un « organe de
perception » que pourraient être les œuvres d’art.
Il s’agit donc de se demander en quoi des œuvres d’art sans visée
pédagogique ou sans viser la vérité et la connaissance, en célébrant les
apparences (et qui depuis Platon sont même parfois associées à des copies, des
simulacres détournant de la réalité et du savoir) pourraient contribuer à faire
en sorte que le spectateur ou amateur d’art perçoive vraiment la réalité qui
l’entoure. Si l’art est le règne de l’apparence comment pourrait-il changer
notre rapport au réel, nous rapprocher de la vérité ? On peut aussi
s’interroger sur la nature de cette éducation, est-elle une formation ou une
« dé-formation », une réforme du regard ? Est-elle une
acquisition positive de nouvelles données perceptives qui viennent s’ajouter et
constituer une nouvelle connaissance ou art (savoir-faire) ou à une
catharsis du regard qui consisterait à se défaire d’une perception donnée
? Enfin, on peut s’interroger sur les limites de cette éducation de la
perception par l’art ? Les œuvres d’art ont-elles vraiment cette vertu
pédagogique ? Peuvent-elles avoir l’autorité, le crédit suffisant pour
éduquer ? Ne peuvent-elles pas être victimes d’une perception qu’elles ne
pourraient donc pas éduquer ?
Il y avait plusieurs plans possibles pour traiter ce problème.
Un plan possible :
1.Si on entend par « percevoir »
simplement voir (percevoir par le sens de la vue, enregistrer l'image de ce qui
se trouve dans le champ visuel, avoir une sensation visuelle selon un
mécanisme supposant quelque chose qui est là et qui affecte l’œil), si on
associe une œuvre d’art à la belle apparence, on peut penser que l’art n’éduque
pas la perception
- car celle-ci est immédiate et ne
nécessite aucun apprentissage : « Dire que nous avons appris à voir,
à entendre, à goûter, à sentir, à toucher, paraît le paradoxe le plus étrange.
Il semble que la nature nous a donné l’entier usage de nos sens, à l’instant
même qu’elle les a formés ; et que nous nous en sommes toujours servi sans
étude » disait Condillac, Essai sur l’origine des connaissances
humaines (1741)
- l’art est soit une copie, une
imitation du réel qui ne nous apprend rien de plus que ce que l’on sait déjà,
soit une fuite du réel (divertissement, imaginaire) soit enfin il prend la
place du réel (simulacre de Platon) et par là nous dupe plus que ce qu’il nous
apprend à voir mieux ou autrement ce réel
- l’œuvre d'art peut être perçue comme
ayant sa place dans la représentation habituelle du réel, du monde :
matière organisée, objet de sensation auquel on peut attribuer une
fonction : religieuse, sociale, économique, qui répond à un besoin chez le
spectateur, l'artiste, la société. L’œuvre d'art peut s'insérer dans le rapport
naturel que notre conscience a avec le réel. (Bergson, conscience qui vise
l'utile, le vital). OU cette représentation peut ne pas être affectée par
l'existence d’œuvres simplement jugées inutiles et donc rejeter :
philistinisme vulgaire ou cultivé.
Donc on peut contempler des œuvres d’art sans que cela ait des conséquences
sur notre perception sensible de ce qui nous entoure, sans que cela ne change
rien à notre manière de voir et percevoir. Mais on peut penser que le rapport
aux œuvres d’art présuppose et permet une autre perception voire une vraie
perception de ce qui nous entoure. Percevoir n’est-ce pas, plutôt que de
recevoir, être actif, savoir remarquer, observer avec une prise de conscience
ou savoir saisir les choses telles quelles sont ?
2. Les œuvres d'art présupposent et permettentune transformation de la perception et de la conscience du réel, une REFORME de la perception.
- pour voir une œuvre d'art en tant que telle, il faut rompre avec un
rapport utilitaire au réel, l'expérience esthétique du beau détache de
l'intérêt et se fait contemplation (jouir de l’œuvre en dehors de toute
fonction, pour elle-même). L'œuvre d'art par sa présence, par sa durée au-delà
de sa fonction, par sa beauté irréductible à cette fonction nous y convie. La
rencontre de l’œuvre d'art permet ensuite une autre rencontre avec ce qui nous
entoure : contempler au lieu, vouloir dominer par la connaissance et viser
une utilité. Rapport esthétique avec le monde, voir la beauté (« on ne
voit une chose que lorsque en voit la beauté » et elle n'est vue qu'à
travers l'art selon Oscar Wilde), la forme, la force (jouissance du sensible),
la manifestation de l'esprit (le chant du rossignol d’Hegel).
- L'art modifie notre rapport à la réalité en nous permettant simplement de
voir dans le réel ce qui auparavant était insignifiant, noyé dans le général
(attention au singulier selon Bergson). L'art enrichit notre rapport avec la
réalité (rend visible l'invisible selon la formule de Paul Klee)
- l'art nous fait renouer avec un rapport sensible au monde que les
exigences vitales, l'écart de la conscience nous avaient maquer :
« retour aux choses mêmes » (thèse phénoménologique)
- l'art permet de prendre clairement conscience que notre rapport naturel
vital utilitaire au réel n'épuise pas notre rapport au monde, ce dont nous nous
doutions peut-être, que certains ont déjà réalisés : les artistes et ceux
qui cherchent dans le rapport à l'art ce qui leur manque dans leur rapport
ordinaire au réel.
Donc les œuvres d’art invitent, permettent de voir autrement ce qui nous
entoure et permettent de nous défaire d’une perception conditionnée par
l’utilité, l’urgence vitale, par la société, par un rapport intellectuel au
réel. On peut donc penser que l’art soit éduque la perception dans le sens où
il permet de voir les choses pour elles-mêmes, soit qu’il nous fait renouer
avec un rapport sensible au monde que la perception visant l’utile, le général
nous a masqué
En 3, on pouvait soit faire
des œuvre d’art ce qui permet d’apprendre à voir, à percevoir ce qui nous
entoure et aller jusqu’à soutenir que nous ne pouvons vraiment voir qu’à
travers l’art (« Regarder une chose et la voir sont deux actes très
différents. On ne voit quelque chose que si l'on en voit la beauté. Alors, et
alors seulement, elle vient à l'existence », thèse de Wilde), soit soutenir
que si l’art permet de rompre avec une certaine perception de ce qui nous
entoure, que s’il souligne en l’interrogeant que notre perception n’est qu’une
représentation, si l'art ouvre vers un autre rapport au réel contemplatif,
esthétique, sensible, on ne peut dire s'il peut nous approcher du réel.
Le réel, c’est ce qui est indépendamment de nous, en soi or nous ne pouvons
percevoir que pour nous par rapport à nous, on est condamné à l’apparaître du
réel, au monde phénoménal comme le dirait Kant ! La chose en soi, le réel nous
échappe donc et par là l’idée même d’une conscience du réel, avec ou sans art,
est discutable ! L’art n’offre qu’une autre représentation de ce réel, à moins
que l’on présuppose qu’il arrive à toucher le fond même de l’être. Donc si
l’art permet de réformer, d’interroger notre perception du réel, il souligne en
même temps que cette perception n’est qu’une représentation, qui doit sans
cesse être reprise, car le réel peut-être nous échappe.
Le corrigé de
Philosophie sujet 2, Bac L :
Doit-on tout faire pour être
heureux ?
Problématisation possible :
« Tous les hommes recherchent d’être heureux. Cela est sans
exceptions, quelques différents moyens qu'ils y emploient. Ils tendent tous à
ce but. (…) La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet
objet. C'est le motif de toutes les actions de tous les hommes. Jusqu'à ceux
qui vont se pendre » soulignait Pascal. C’est pourquoi ce sujet peut
surprendre, car le « doit-on » semble de trop, nous faisons
nécessairement tout pour être heureux. Mais justement ce sujet invite à
s’interroger sur cette apparente évidence de la recherche du bonheur et cela
selon deux perspectives.
Cette recherche naturelle autorise-t-elle tous les moyens ?
Notre bonheur vaut-il qu’on lui sacrifie tout ? Peut-on accepter par
exemple de payer notre bonheur au prix de notre liberté ou de celle des
autres ? Et en invitant à s’interroger sur les moyens, ce sujet invite
aussi à penser les fins de notre existence, si nous cherchons à
être heureux, le bonheur est-il la seule fin de notre existence ou devons-nous
avoir d’autres fins, exigences, qui d’ailleurs peuvent aussi être une des
conditions d’un bonheur réel et plein ? Pouvons-nous être heureux si nous ne
sommes pas justes, pas libres, si notre bonheur exige le malheur des
autres ? Ne devons-nous pas d’abord chercher à être juste, vertueux, libre
pour être ensuite heureux, d’autant que le bonheur au sens d’état de
totale satisfaction peut sembler être inaccessible? Faut-il
suspendre son existence à un but soit insuffisant, soit inaccessible ? Donc
le « doit-on » pouvait être pris en deux sens :"être
nécessaire" (ce qui ne peut ne pas être) ou "être un
devoir de" (dimension morale, activité exigible d’un homme au
regard de sa nature – d’être pensant, conscient, rationnel, d’être culturel,
d’être politique..). Ce sujet invite donc à penser ce qui fait qu’une existence
vaut d’être vécue et si le bonheur au sens de satisfaction de tous nos désirs,
de somme de plaisirs peut être atteint et faire qu’une existence est
satisfaisante et si l’homme ne peut pas se donner d’autres fins que le bonheur.
On pouvait enfin aussi jouer sur le sens d’ « être heureux », en
opposant être et devenir, le bonheur est peut être davantage dans la recherche,
la chasse, le mouvement que dans la prise et un état. Le bonheur est peut-être
davantage dans la capacité de saisir ce qui est, de ne pas passer à côté que
dans la construction, la projection dans le futur.
Il y avait plusieurs plans possibles pour traiter ce problème.
Un plan possible :
I. Il semble que nous ne puissions pas ne pas tout faire pour
être heureux.
(doit-on = est-il nécessaire, bonheur = état de plaisir, somme de plaisirs)
(doit-on = est-il nécessaire, bonheur = état de plaisir, somme de plaisirs)
- on peut constater que tout homme
aspire à être heureux, c’est-à-dire à fuir les douleurs et à être en quête de
jouissances et plaisirs. C’est comme le soutenait Freud le principe de plaisir
qui détermine le but de notre vie, et qui régit les processus de notre appareil
psychique.
- si le bonheur est la fin de nos fins,
même si nous en poursuivons d’autres ponctuellement, elles sont parce qu’elles
contribuent à notre bonheur. Nous ne pouvons pas ne pas vouloir notre bonheur.
On peut même penser qu’il y a une sorte d’assignation à être heureux, quand le
bonheur est permis et que l’on a tout pour être heureux, comme on dit.
- il semble donc naturel (conforme à
notre nature) de tout mettre en œuvre pour être heureux soit en s’abandonnant
aux désirs (thèse hédoniste) soit en s’efforçant de les maîtriser, de les
discriminer selon le critère de la nature et de la nécessité (philosophie
épicurienne)
Cela suggère que tous les désirs ne sont pas source d’un état de plaisir,
et que donc tout faire pour être heureux, ce n’est pas pour autant tout
faire. Le bonheur comme état de satisfaction totale ne peut peut-être
pas se réduire à une somme de plaisirs indistincts, l’homme se réduit-il au
désir, à la recherche de l’agréable?
II. Il apparaît que la recherche du bonheur ne puisse pas tout
autoriser, non seulement tous les moyens ne
mènent pas à cette fin mais elle ne justifie pas tous les moyens
- le bonheur exige donc une maîtrise
des désirs plutôt qu’un abandon, une maîtrise de soi. Sacrifier au moindre de
ses désirs ne fait sans doute pas le bonheur.
- si l’homme est un être de désir, un
être sensible recherchant naturellement le plaisir et fuyant tout aussi
naturellement la douleur, c’est aussi un être de raison et de conscience
(conscience sans laquelle le bonheur ne peut être). Le bonheur n’est pas
seulement une somme de plaisirs, il est un état de totale satisfaction. Or
cette raison et cette conscience exigent de l’homme qu’il soit à la hauteur de
la dignité que celles-ci lui confèrent en tant que sujet. Si on peut tout
sacrifier à notre bonheur, on n’a pas peut-être le droit de le faire. On peut
penser que l’on n’a pas le droit peut-être de sacrifier notre liberté ou celle
des autres à notre bonheur. La servitude volontaire même si elle est
confortable peut être condamnée d’un point de vue moral, selon La Boétie,
Rousseau ou Tocqueville. Une vie d’esclave même confortable ne peut être
satisfaisante. Notre sécurité et notre prospérité ne peuvent se payer au prix
de notre liberté.
- des impératifs moraux pèsent donc sur
notre existence en tant que sujet conscient en même temps qu’ils nous obligent
à ne pas se contenter d’une existence bestiale, animale même si en un sens elle
pourrait être heureuse. Nous nous devons d’être moraux, vertueux, de faire le
bien avant que de faire ce qui nous est agréable. C’est la thèse de Kant qui
fait même de la vertu la destination de notre existence et qui soutient qu’on
ne peut échapper à la voix du devoir, à la culpabilité, donc qu’on ne peut être
heureux sans être vertueux.
On pourrait en dire autant d’une existence sans liberté. Comment être
heureux sans être libre ? Ne faut-il pas d’ailleurs rechercher plutôt ce
qui dépend de nous que de suspendre sa vie à un but inaccessible ou qui ne
dépend pas que nous et qui, visé mais non atteint, peut nous rendre méchants ?
III. On ne doit pas faire tout pour
être heureux
- car le bonheur (au sens d’état de
plaisir) ne dépend pas que de nous, donc se donner pour but d’être heureux,
c’est s’exposer à la souffrance.
- car le bonheur n’est pas dans la
poursuite d’un futur en accord avec nos désirs, mais dans la prise de
conscience d’un présent en accord avec notre volonté OU à l’inverse il n’est
pas dans l’état atteint mais dans la recherche de cet état (on ne devrait tout
faire pour ne pas être heureux en un sens ; « malheur à celui qui n’a
plus rien à désirer… »).
- et « il vaut mieux être Socrate
insatisfait qu’un porc satisfait », c’est ce que soutenait Mill, qui, en
utilitariste, associait pourtant le Bien à une arithmétique des plaisirs et
défendait l’idée d’une vraie liberté individuelle, le droit à l’excentricité
dans la recherche de son bonheur.
Le sujet de
Philosophie sujet 3 :
Texte de Popper, La Connaissance objective.
J'ai traité le déterminisme physique de cauchemar. C'est un cauchemar parce
qu'il affirme que le monde entier, avec tout ce qu'il contient, est un
gigantesque automate, et que nous ne sommes rien d'autre que des petits
rouages, ou des sous-automates dans le meilleur des cas.
Il détruit ainsi, en particulier, l'idée de créativité. Il réduit à l'état
de complète illusion l'idée que, dans la préparation de cette conférence, je me
suis servi de mon cerveau pour créer quelque chose de nouveau. Ce qui s'est
passé là, selon le déterminisme physique, c'est que certaines parties de mon
corps ont tracé des marques noires sur un papier blanc, et rien de plus : tout
physicien disposant d'une information suffisamment détaillée pourrait avoir
écrit ma conférence grâce à cette méthode très simple : prédire les endroits
précis où le système physique composé de mon corps (y compris mon cerveau, bien
sûr, et mes doigts) et de mon stylo tracerait des marques noires.
Ou, pour utiliser un exemple plus frappant : si le déterminisme physique
est correct, alors un physicien complètement sourd, qui n'aurait jamais entendu
de musique de sa vie, pourrait écrire toutes les symphonies et tous les
concertos de Mozart ou de Beethoven, au moyen d'une méthode simple, qui
constituerait à étudier les états physiques précis de leur corps et à prédire
où ils traceraient des marques noires sur leur portée. Et notre physicien sourd
pourrait même faire bien mieux : en étudiant les corps de Mozart et de Beethoven
avec assez de soin, il pourrait écrire des partitions qui n'ont jamais été
réellement écrites par Mozart ou Beethoven, mais qu'ils auraient écrites si
certaines circonstances de leur vie avaient été différentes – s'ils avaient
mangé, disons, de l'agneau au lieu de poulet et bu du thé au lieu de café.
POPPER, La Connaissance objective, 1972.
Le corrigé de
Philosophie sujet 3, Bac L :
Explication de texte : Texte de POPPER, La Connaissance
objective (1972)
Ce texte a pour thème le déterminisme. Le déterminisme est
le fait que tout ce qui arrive est l’effet nécessaire d’une cause. La science
pense à la nature soumise au déterminisme et cherche à dégager les lois
invariables qui lient les phénomènes. Sans déterminisme, pas de science
possible. Si ce déterminisme naturel permet de prévoir les phénomènes naturels
et d’avoir une action sur la nature, ce qui nous rassure, si on l’étend au
« monde entier » et donc à l’homme, à ses actes et pensées, il
devient dérangeant et même un « cauchemar », comme le souligne ici
Popper dès son premier paragraphe. C’est pourquoi on a tendance à penser que
l’homme serait « un empire dans un empire », un îlot de liberté dans
un océan de nécessité. Popper aborde donc dans ce texte les conséquences d’une réduction
de l’homme au déterminisme, assimilé à un mécanisme.
Sa thèse est que le déterminisme nie la
créativité, c’est-à-dire la possibilité de créer du nouveau. Cette nouveauté
présupposerait selon lui que le présent contienne davantage ou autre chose que
ce qui est déjà dans le passé et que ce présent ait donc une part
d’imprévisibilité, car une partie de ce présent ne serait pas le simple effet
de causes repérables dans le passé. Or selon le déterminisme, le présent n’est
que la conséquence nécessaire du passé, et ce passé connu permettrait
l’anticipation de ce présent. C’est la thèse du déterminisme universel de
Laplace, si on connaissait l’état du monde dans ses moindres détails et toutes
les lois liant les phénomènes à un temps t, il serait possible de prédire dans
les moindres détails l’état du monde et de chacune de ses parties au temps t’.
Popper soutient donc que réduire l’homme au déterminisme, c’est le réduire à un
phénomène physique (la pensée à l’œuvre pour faire la conférence n’est qu’un produit
du cerveau, qui n’est lui-même que matière, corps), à de la matière, donc nier
qu’il y ait en lui une part qui échappe à la matière et à ses déterminations,
qui permettrait la liberté et la créativité. La réduction déterministe réduit
l’homme à une machine entièrement déterminée et prévisible.
Pour illustrer sa thèse exposée
lignes 1 à 5 et suggérer ses conséquences cauchemardesques, Popper prend donc deux
exemples celui de la préparation de sa conférence (lignes 6 à 16) et
celui de la création artistique, musicale (lignes 17 à 29).
La conférence est réduite à une sorte d’encéphalogramme, la main
trace sur le papier ce que le cerveau dicte, et qui aurait pu être entièrement
prédit par une imagerie cérébrale, les zones cérébrales en activité repérées ou
par une connaissance des déterminismes sociologiques et psychologiques du
cerveau de Popper. Rien de neuf dans cette conférence que ce qui était
déductible de l’état du cerveau de son auteur.
Avec le second exemple Popper reprend le même schéma, avec le physicien qui
pourrait écrire un concerto de Mozart à partir de la connaissance des états
physiques de son corps, de son cerveau et des conditions de l’élaboration de
l’œuvre, sur lesquelles Popper ironise en faisant le descriptif du régime
alimentaire de Mozart.
Cet exemple de la création artistique permet à Popper de souligner les
conséquences du déterminisme, à savoir la négation de la liberté, du génie
artistique (associé souvent à la capacité de s’extraire de la règle ou de
donner à l’art ses règles, des règles originales car neuves et appelées à
servir de modèle, comme le soutenait Kant), de montrer aussi les limites de
l’explication scientifique déterministe avec la surdité du physicien. Comment
composer de la musique si on n’entend pas les notes ? Peut-on réduire la
musique à un processus physique ? On peut penser ici à la différence entre
l’approche quantitative de la science opposée à l’approche qualitative de
l’art, du corps, de la sensation, qui est perdue dans une réduction
physicaliste. Cette expérience de pensée proposée par Popper peut être mise en
parallèle avec celle de Jackson, Ce que Marie ne savait pas,
cette physicienne spécialiste de la couleur enfermée dans une chambre noire,
qui découvre les couleurs. Il y a autre chose dans la vue, dans l’expérience
d’une couleur que dans sa mise en équation. C’est le problème des qualia.
Ce texte posait donc le problème de la réduction de l’action, de la volonté
et de la pensée humaines à des phénomènes physiques régis par des lois. Il invitait donc à penser sinon les limites du déterminisme, du moins
ses conséquences. Popper par les exemples choisis et par l’ironie des dernières
lignes semble souligner les limites d’un tel réductionnisme. On pouvait n’y
voir que la confirmation de l’idée que la difficulté de prévoir les actions et
volontés humaines n’est que ce qui contribue à entretenir l’illusion d’un
libre-arbitre (on pouvait penser ici aux critiques de Schopenhauer ou de
Spinoza) ou à l’inverse ce qui atteste de l’impossibilité de réduire l’homme à
la matière, à des processus physiques. L’homme est soit un être qui n’accepte
le déterminisme que pour ses avantages et le rejette pour ses inconvénients, ce
qui n’est pas possible selon Russell par exemple, soit un être qui y échappe
car conscient, pensant mais s’y réfugie quand il ne veut assumer la
responsabilité qui en découle. C’est sans doute cette alternative qu’il
s’agissait de souligner pour faire apparaître la dimension problématique de ce
texte, dans la partie critique.
Le corrigé de Philosophie sujet 1, Bac S :
L’artiste est-il maître de son œuvre ?
Voici des pistes de réflexion sur cet énoncé.
Le mot intéressant ici est bien sûr « maître de ». La
maîtrise renvoie à la technique, au savoir-faire. L’art réclame des règles et
doit lui-même se soumettre à des contraintes techniques.
La « technè » en grec c’est l’ensemble des règles qu’il convient
de suivre si l’on veut atteindre le but que l’on s’est fixé.
Cela vaut aussi bien pour le menuisier que pour le sculpteur. Mais
l’artiste diffère de celui de l’artisan ou de l’industriel. Aussi quel est le
type « particulier » de maîtrise qu’il exerce ? Et ce terme-même
n’est-il pas discutable ?
Qu’est-ce qu’être « maître de quelque chose » ? La maîtrise
suppose la connaissance, le contrôle. Par exemple le peintre connait les temps
de séchage de tel type de peinture, ou la résistance de tel matériau, ce qui
détermine ensuite les actions qu’il peut ou pas effectuer.
Alain dit que l’artiste est lui-même « spectateur de son œuvre en
train de naître », il poursuit : « un beau vers n’est pas
d’abord en projet et ensuite fait, mais il se montre beau au poète »
(Système des beaux-arts).
Cela signifie que la maîtrise de l’artiste n’est pas de l’ordre de la
prévision, il se distingue en cela de l’artisan. L’œuvre d’art se construit en
prenant forme matériellement. Ici la réflexion renvoie à la nature-même de la
création artistique.
On peut s’interroger sur la part de hasard qui entre dans la création, mais
qui loin de la dénaturer, en fait partie intégrante.
D’autre part « être maître de son œuvre » peut renvoyer aux
conditions de la création artistique : L’artiste qui répond à une commande
publique ou privée, qui dépend d’un mécène est-il « maître » de son
œuvre ? Va-t-il devoir faire des compromis pour
« plaire » ? Son œuvre peut-elle lui échapper ? Quel usage
en sera-t-il fait ? Elle peut ainsi être récupérée à des fins de
propagande. Ici le sujet nous interroge sur la relation entre l’artiste et la
société.
Il nous interroge aussi sur la relation entre l’œuvre et le spectateur, sur
la relation entre les spécialistes de l’art et l’œuvre : Les différents
regards portés sur l’œuvre, les tentatives de compréhension vont lui donner une
vie autonome, et peu à peu la détacher de son créateur.
Le corrigé de Philosophie sujet 2,
Bac S :
Vivons-nous pour être heureux ?
Voici quelques pistes d’analyse pour ce sujet. Je propose ici des pistes et
non un corrigé-type : Chaque candidat doit mener sa réflexion librement en
montrant ce qui fait problème. Il n’y a pas qu’une seule manière de comprendre
ce sujet, et je n’ai donc pas cherché à le réduire mais au contraire à ouvrir
des « portes » :
Le but de la vie humaine est-il le bonheur ? « Tous les hommes
recherchent d’être heureux » écrit Pascal. C’est en apparence une
évidence. Mais la formulation du sujet nous invite à une réflexion critique.
« Vivre pour » suggère que toutes nos actions seraient des moyens
dirigés dans la perspective d’une fin unique, le bonheur. Cela supposerait que
l’on est en mesure de définir cette fin avec précision puisque c’est cette
définition qui permettrait de déterminer quels moyens mettre en œuvre. Or un
premier problème se pose ici : Peut-on définir le bonheur ? Le
bonheur est subjectif, empirique, c’est un « idéal de l’imagination et non
de la raison » selon Kant. Comment dès lors agir en fonction d’un objectif
qui sans cesse nous échappe, qui n’est peut-être qu’une illusion ?
« Vivre pour » signifie aussi que toute notre existence serait
guidée par l’espoir du bonheur, bien suprême, fin en soi. Mais cette aspiration
ne risque-t-elle pas de nous faire passer « à côté » de notre
vie ? Pascal écrit que les hommes ne vivent pas mais « espèrent de
vivre », ce faisant ils « errent dans des temps » qui ne sont
pas les leurs, hésitant entre nostalgie et espoir, oubliant le seul temps qui
est le leur, le présent. « Vivre pour » être heureux serait-ce se
condamner à ne l’être jamais ? Une fois de plus cela renvoie à la
conception du bonheur : celui-ci est-il une conséquence de mes actions,
leur récompense ou bien est-il dans l’action elle-même, dans la mise en œuvre
des moyens ? (cf Aristote)
« Vivre pour » pose la question du but de la vie mais la
formulation parait restrictive, exclusive : Certes les hommes aspirent au
bonheur mais celui-ci n’est-il pas égoïste ? Vivre pour être heureux, ne
serait-ce pas alors se concentrer sur soi-même (« chacun pour soi »),
se désintéresser du sort d’autrui ? Ceci fait penser à la critique de la
démocratie américaine de Tocqueville : Les hommes « tournent sans
repos sur eux-mêmes, pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs …
comme étrangers à la destinée de tous les autres ». Il y aurait là une
approche politique de cette question ainsi formulée. Puis-je réellement être
heureux en faisant abstraction du sort des autres ? (dimension morale du
sujet, penser à Kant)
« Vivre pour » quelque chose renvoie aussi au « sens »,
ce qui donne un sens à notre vie. A quoi bon vivre si on n’a nul espoir de
bonheur ? Le problème ici est celui du pouvoir que nous avons sur le
bonheur : Dépend-il d’événements extérieurs (la chance, la
« fortune ») ? En ce cas, je vis « pour » quelque
chose que je ne connais pas, qui et imprévisible, que je ne saurais peut-être
même pas reconnaître si je le possédais (cf Schopenhauer). Ou bien dépend-il de
nous-mêmes ? d’une disposition psychologique (ce que Schopenhauer
nomme « la bonne humeur ») ? ou d’un effort moral ? (cf le
stoïcisme, se libérer de ce qui ne dépend pas de nous, seules nos opinions
dépendent de nous). Le sujet peut nous inviter alors à réfléchir sur la
relation bonheur-liberté.
En conclusion à ces remarques, une formule de Freud, « Il y a beaucoup
moins de difficultés à faire l’expérience du malheur ». Les hommes
aspirent-ils à l’inaccessible, se condamnant eux-mêmes au malheur, au
manque ? Ou doivent-ils régler leurs aspirations sur le possible et ainsi
non pas vivre « pour » être heureux, mais « vivre »,
« agir » le mieux possible (cf la vertu, Aristote) et peut-être grâce
à cela être heureux. (cf aussi Kant, bien sûr sur le lien bonheur-morale,
l’homme qui agit selon son devoir « mérite » d’être heureux mais n’a
pas la garantie de l’être)
Le sujet de Philosophie sujet 3 :
Expliquer le texte suivant :
On voit clairement pourquoi l'arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que les autres sciences : c'est que seules elles traitent d'un objet assez pur et simple pour n'admettre absolument rien que l'expérience ait rendu incertain, et qu'elles consistent tout entières en une suite de conséquences déduites par raisonnement. Elles sont donc les plus faciles et les plus claires de toutes, et leur objet est tel que nous le désirons, puisque, sauf par inattention, il semble impossible à l'homme d'y commettre des erreurs. Et cependant il ne faut pas s'étonner si spontanément beaucoup d'esprits s'appliquent plutôt à d'autres études ou à la philosophie : cela vient, en effet, de ce que chacun se donne plus hardiment la liberté d'affirmer des choses par divination dans une question obscure que dans une question évidente, et qu'il est bien plus facile de faire des conjectures sur une question quelconque que de parvenir à la vérité même sur une question, si facile qu'elle soit.
De tout cela on doit conclure, non pas, en vérité, qu'il ne faut apprendre que l'arithmétique et la géométrie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s'occuper d'aucun objet, dont ils ne puissent avoir une certitude égale à celle des démonstrations de l'arithmétique et de la géométrie.
DESCARTES, Règles pour la direction de l'esprit,
1628.
Le corrigé de Philosophie sujet 3,
Bac S :
Explication de texte : Texte de Descartes, Règles pour la direction
de l’esprit.
Ce texte est très connu, un certain nombre de candidats l’avaient
d’ailleurs peut-être étudié en classe durant l’année ! Le problème est de
l’aborder avec un regard neuf, « débarrassé » des connaissances qu’on a pu
acquérir sur le rationalisme, sur la philosophie de Descartes. On
pourrait craindre en effet avec ce sujet, une pure et simple récitation du
cours.
La question centrale : Pourquoi faut-il faire des mathématiques le
modèle de toute forme de recherche de la vérité ? Pourquoi les
mathématiques sont-elles un modèle de démarche rationnelle? Descartes définit
ici ce qui fait la grandeur des mathématiques par opposition à l’incertitude de
l’expérience. Le modèle déductif devant être celui de toutes les sciences.
Descartes énonce tout d’abord les caractéristiques des mathématiques :
Pourquoi leur degré de certitude surpasse t-il celui des autres sciences ?
Tout ici relève de la raison (« ces longues chaînes de raisons »)
rien n’est dû au sensible. On peut distinguer l’objet des mathématiques de
l’objet de la physique qui est la nature. On peut développer cette comparaison
entre mathématiques et sciences de la nature et montrer en quoi la
mathématisation des sciences a pu contribuer à leur progrès.
Dans un second temps, Descartes tire les conséquences de cette
distinction : Les mathématiques sont les sciences les plus
faciles (il suffit de raisonner avec rigueur) et les plus claires (compte tenu
du caractère « pur et simple » de l’objet c’est-à-dire non
empirique). Il est donc impossible d’y commettre des erreurs sauf par
étourderie (ou par « précipitation » comme il l’écrit par ailleurs).
Paradoxe : Pourquoi les hommes étudient-ils d’autres sciences moins
certaines et moins claires ? Le problème que soulève Descartes est la
prééminence du désir de croire sur la volonté de savoir.
Il est plus facile d’affirmer que de bâtir une véritable réflexion.
On peut parler de manière péremptoire de sujets confus : plus ils seront
confus, plus on passera pour savant ! (cf les précieuses ridicules ou le
Tartuffe de Molière). D’où la préférence pour les sujets confus, l’entretien de
la confusion évitant le véritable échange intellectuel.
« Il ne faut pas s’étonner si …. Cela vient en effet
…. » : les hommes, comme l’écrira Nietzsche plus tard, cherchent-ils
réellement la vérité ou bien des affirmations plaisantes,
« rassurantes », qu’ils tiennent pour vraies ? Descartes dénonce
ici l’incapacité des hommes à faire bon usage de leur raison : Ils
préfèrent « conjecturer » , « affirmer par divination »
plutôt que de faire usage de leur raison. Spinoza, dans ses Lettres sur les
spectres, écrit que les hommes préfèrent imaginer le monde selon leur désir que
de chercher à le connaître avec rigueur et méthode. D’où leur fâcheuse tendance
à croire et à faire croire ! Ici le langage est source de pouvoir et non
un moyen d’accéder au vrai.
« Chacun se donne plus hardiment la liberté d’affirmer ... »
Le mot « liberté » employé ici pose question : la véritable
liberté n’est-elle pas celle donnée par la connaissance ? Que serait une liberté
s’appuyant sur des croyances, des approximations ? Il y a là une piste de
réflexion très intéressante qui trouve écho dans l’actualité : Quand
des gens échangent de propos relevant de préjugés, des croyances sur de sujets
qu’ils n’ont pas pris la peine d’examiner de manière rigoureuse, le véritable
débat d’idées est impossible. Le dialogue est rompu.
Les mathématiques sont donc pour Descartes un modèle de raisonnement. Il
s’agit d’ériger cette méthode en modèle pour la recherche de la vérité en général,
de lutter ainsi contre les superstitions, l’obscurantisme. Penser à ce qu’écrit
Kant : « Il est si aisé d’être mineur ! ». On peut bien sûr
prolonger cette réflexion sur les limites du modèle proposé par Descartes, à
travers les critiques dont a fait l’objet le rationalisme etc …
La raison est libératrice. Ce texte de Descartes nous le rappelle fort
opportunément !
Le corrigé de Philosophie sujet 1,
Bac ES :
Suffit-il d’avoir le choix pour être libre ?
Pour le sens commun être libre c'est d'abord le fait de ne pas être captif,
par exemple de ne pas être en prison ou de ne pas être esclave. Cela renvoie à
l'absence de contrainte d'une part et à notre volonté d'autre part. Aujourd'hui
des libertés concrètes se sont multipliées et paradoxalement donnent au mot le
sens restreint de liberté de choix : celui qui est libre choisit ses loisirs,
ses activités mais aussi les moyens d'expression de ses opinions, ses pensées,
ses engagements. En ce sens on peut se demander s'il suffit d'avoir le choix
pour être libre. N'est-ce pas au contraire réduire la notion de liberté que de
la définir par le seul libre arbitre, c'est à dire par la seule possibilité de
choix ? La définition de la liberté pose alors un problème logique car il
faudrait la faire dépendre de notre seule volonté ou de notre seul désir.
D'un autre côté, il faudrait pouvoir prévoir les conséquences de ses actes
pour que ce que je fais produise ce que je veux. Faire dépendre notre liberté
de notre possibilité de choix ou libre arbitre remet donc en question la notion
même de liberté en tant que liberté absolue. C'est le sens à donner à cette
condition de la liberté en se demandant si avoir le choix est nécessaire et
suffisant à définir la liberté ou si au contraire cette réduction de la liberté
au libre arbitre ne nous conduit pas à "rêver les yeux ouverts"
(Spinoza), illusion qui ne serait que l'ignorance des causes et des buts qui
nous déterminent à penser ou à agir.
1. Le libre arbitre est condition de la liberté
Une condition nécessaire mais pas suffisante.
Descartes une condition qui permet d'établir une morale provisoire :
changer ses édits plutôt que l'ordre du monde. La liberté est alors le pouvoir
de se mette en accord avec ce qui arrive et ne dépend pas de nous.
Ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas renvoie non pas aux
passions et à la satisfaction de tous les désirs mais à notre volonté.
2. Le libre arbitre ne suffit pas à garantir la liberté
L'absence de contrainte : le déterminisme de la nature.
Les passions nous aliènent.
L'inconscient psychique comme obstacle à la liberté.
3. Le libre arbitre conduit à l'illusion de liberté
L'ignorance des causes qui nous déterminent à agir.
L'ignorance des buts qui nous poussent à agir.
La liberté n'est pas le libre arbitre mais l'autonomie comme capacité à se
gouverner soi même.
Le corrigé de Philosophie sujet 2,
Bac ES :
Pourquoi chercher à se connaître soi-même ?
On attribue à Socrate la devise "connais toi toi même " inscrite
au fronton du temple de Delphes. Mais dans le souci des grecs de son époque
cette formule prend plutôt le sens de connais tes propres limites, prends
conscience de ton ignorance que sache qui tu es, tes défauts, tes qualités. Se
connaître soi même suppose avant tout la possibilité, tout au long de notre
existence, de se considérer soi même comme une identité, une personne capable
de faire un retour sur soi, bref d'avoir conscience de soi. Mais alors qu'est
ce qui pourrait faire obstacle à cette connaissance si un simple égard
intérieur suffisait, si l'immédiateté de la conscience donnait accès à ce qui
est le plus intime et le plus proche de soi ?
Le problème est celui de la subjectivité de la connaissance de soi qui
n'est pas immédiate puisque l'on suppose qu'il faut chercher à se connaître soi
même, c'est à dire que la connaissance de soi nous échappe. Il s'agit de mettre
en œuvre une méthode, un processus de connaissance, comme par exemple une
démonstration, qui me permette de savoir qui je suis. Mais il s'agit aussi de
constituer le soi en tant qu'objet a connaître, comme quelque chose que je mets
à distance de moi même pour pouvoir l'étudier. Or, nous supposons à cette
recherche, que l'on veut objective, une intention et un but comme s'il y avait
des raisons importantes de se connaître alors que différents obstacles
empêchent de saisir ce qui nous appartient en propre, ce fameux moi dont Pascal
affirmait qu'il est "haïssable". Il conviendra donc de se demander quels
sont les motifs qui nous poussent à nous connaître et qu'elle est la valeur de
cette connaissance dans le déroulement d'une existence où nous ne sommes pas
seuls et où nous ne sommes pas toujours maître de notre propre moi.
I. L'injonction du "connais toi toi même"
La
conscience comme relation immédiate de soi à soi. La connaissance de soi est
elle immédiate ou relève-t-elle d'une recherche ? À travers le cogito, c'est
moi même que je saisis comme plus certain que le monde ou qu'autrui. Cependant
il s'agit d'une connaissance subjective.
Le
pouvoir de réflexion. La conscience ouvre sur une vie intérieure comme
condition de connaissance de soi renvoyant l'image du monde. "Toute
conscience est conscience de quelque chose" affirme Husserl, c'est en
effet grâce à la connaissance de soi que le monde devient notre monde ou que
autrui devient comme l'explique Sartre un autre moi même.
Le
pouvoir de décision. Se connaître soi même permet de fonder une responsabilité
juridique et morale quand bien même la langue française désigne sous un seul
mot "conscience" l'activité réflexive et la conscience morale. C'est
que le lien entre savoir et pouvoir est tenu en ce qui concerne la
conscience (cum-scientifique= savoir avec soi, être présent à son savoir)
qui permet à la fois de se connaître soi même et d'être maître de ses actions.
II. Contre l'égoïsme naïf, il existe des obstacles à la connaissance de soi
Autrui
est à la fois un obstacle et une nécessité pour chercher la connaissance de
moi-même. L'illusion de la souveraineté de la conscience s'effondre dès lors
que je m'aperçois de la présence des autres qui peuvent constituer pour moi un
"enfer" et cependant sont une nécessité comme le montre J-P. Sartre.
Les
passions mettent la connaissance de soi à l'épreuve. La difficulté de se
connaître soi même et la nécessité paradoxale d'entreprendre une recherche
vient du fait que dans la passions je ne me reconnais pas. Par ses excès, par
son caractère souvent irrationnel ou déraisonnable, la passion excède la
connaissance que je peux avoir de moi-même et surtout la maîtrise de soi.
L'inconscient psychique dont Freud fait l'hypothèse pour expliquer ce qui nous
échappe désigne non seulement ce que Spinoza appelait nos appétits mais
l'ensemble de nos pulsions et désirs qui s'enracinent dans notre esprit.
Pourquoi chercher à se connaître si c'est alors impossible ?
III. La valeur de la connaissance de soi
La prise
de conscience de soi dépasse la seule connaissance. Il est difficile de saisir
de manière transparente ce qu'est une personne, ou de réduire le moi à
n'être qu'une chose pensante. Kant montre par exemple que le je pense est
plutôt une activité qui assure l'unité de son expérience.
L'unité
de ma propre personne à travers le temps, le changement rend la connaissance de
soi obscure mais nécessaire. Si le moi nous échappe ou si sa connaissance
rencontre des obstacles, le désir de se connaître soi même n'en demeure pas
moins. C'est ce désir légitime qui fonde la recherche qui nous pousse à se
connaître soi-même.
Savoir
pour agir. La connaissance désintéressée de soi même permet de constituer l'identité
du sujet et de résoudre l'énigme d'une même personne qui pense et qui agit.
Nous savons que la personnalité de tout individu est complexe et changeante,
reste que chacun d'entre nous construit son identité, choisit sa vie et la
représentation qu'il a de lui même en intégrant la connaissance qu'il a de lui
même grâce au regard d'autrui mais aussi à la conscience qu'il a de lui même
qui n'est jamais une sorte de contemplation narcissique et passive.
Je désire me connaître moi même pour comprendre qui je suis, pour
comprendre ce que je dois faire et pour prendre conscience de mon humanité,
c'est à dire de l'inter subjectivité qui me constitue.
Le sujet de
Philosophie sujet 3 :
Commentaire de texte
:
“La différence décisive entre les outils et les machines trouve peut-être
sa meilleure illustration dans la discussion apparemment sans fin sur le point
de savoir si l'homme doit « s'adapter » à la machine ou la machine s'adapter à
la « nature » de l'homme. (...) Pareille discussion ne peut être que stérile :
si la condition humaine consiste en ce que l'homme est un être conditionné pour
qui toute chose, donnée ou fabriquée, devient immédiatement condition de son
existence ultérieure, l'homme s'est « adapté » à un milieu de machines dès le
moment où il les a inventées. Elles sont certainement devenues une condition de
notre existence aussi inaliénable que les outils aux époques précédentes.
L'intérêt de la discussion à notre point de vue tient donc plutôt au fait que
cette question d'adaptation puisse même se poser. On ne s'était jamais demandé
si l'homme était adapté ou avait besoin de s'adapter aux outils dont il se
servait : autant vouloir l'adapter à ses mains. Le cas des machines est tout
différent. Tandis que les outils d'artisanat à toutes les phases du processus
de l'œuvre restent les serviteurs de la main, les machines exigent que le
travailleur les serve et qu'il adapte le rythme naturel de son corps à leur
mouvement mécanique. Cela ne veut pas dire que les hommes en tant que tels
s'adaptent ou s'asservissent à leurs machines ; mais cela signifie bien que
pendant toute la durée du travail à la machine, le processus mécanique remplace
le rythme du corps humain. L'outil le plus raffiné reste au service de la main
qu'il ne peut ni guider ni remplacer. La machine la plus primitive guide le
travail corporel et éventuellement le remplace tout à fait.”
Hannah ARENDT, Condition de l'homme moderne (1958)
Le corrigé de Philosophie sujet 3,
Bac ES :
Explication de texte : Texte de Hannah Arendt, Condition de
l’homme moderne (1958).
Dans son texte, Hannah Arendt oppose radicalement les outils et les
machines relativement à la question de l'adaptation de l'homme à ces dernières.
En effet, la technique a connu une révolution telle que l'on attribue à la
machine un rôle prépondérant quant à l'évolution de l'homme. Tout se passe
comme si la machine, en transformant le travail humain transformait l'homme lui
même. Hannah Arendt exprime ainsi les craintes que l'on exprime à l'égard des
machines en renvoyant dos à dos deux thèses qui semblent contraires mais
conduisent à des discussions stériles : celle qui consiste à affirmer que
" l'homme doit s'adapter à la machine" et celle inverse qui affirme
que la machine doit s'adapter à la nature de l'homme".
Dans le premier cas lorsqu'il s'agit de l'outil, la question ne se pose pas
de savoir si cet instrument qui prolonge la main, la guide, aliène l'homme.
Dans le second cas, pour la machine, il s'agit de comprendre qu'elle a un
pouvoir sur l'homme qui deviendrait alors un moyen et ne serait plus alors
considéré comme une personne. C'est sans doute le sens à donner à cette idée de
dénaturation de l'homme si sa machine n'est plus au service de ses buts. Le
problème de la différence entre outil et machine n'est donc pas seulement celui
d'un progrès technique possible mais une rupture dans la conception de la
nature humaine, bref, un enjeu anthropologique important . Qu'est-ce qui
définit l'homme dès lors qu'il n'est plus considéré par nature comme une fin
dernière mais devient lui-même l'enjeu de son propre instrument ?
Quelques pistes pour expliquer le texte en une étude ordonnée :
Dans une première partie l'auteure rappelle les discussions stériles
consistant à opposer l'outil et la machine. S'il existe bien des différences,
le jugement que l'on porte sur l'un ou l'autre instrument ne permet pas de
critiquer ni de soulever les véritables enjeux pour l'homme / « ...se
poser. »
- Une discussion sans intérêt et sans issue
- La machine est plus performante que l'outil, elle produit, fabrique plus
que l'homme
- L'homme est un être conditionné par les nécessités naturelles et le monde
extérieur, il doit donc s'adapter au monde artificiel qu'il invente lui même
comme il s'adapte aux conditions naturelles.
Dans une seconde partie, H. Arendt affirme que l'homme ne reste pas maitre
des machines qu'il utilise alors que l'outil était considéré comme un moyen
pour atteindre ses fins, un instrument intermédiaire entre l'homme et le monde,
au service de l'homme.
- La différence avec l'outil : Aristote : l'outil prolonge le
corps de l'homme, en particulier la main
- L'outil est un instrument déjà adapté à la main de l'homme, pour un usage
précis, efficace
- A l'inverse la machine n'est pas le prolongement du corps ni la
multiplication de la force humaine : l'homme se met au service de la
machine.
Il existe bien une différence entre l'outil et la machine qui n'est pas
seulement la complexité et la force de production de cette dernière. Arendt
souligne bien que même la plus simple machine est capable de guider le travail
de l'homme qui devient relatif à ce qu'il a inventé. Mais cette différence ne
tient pas seulement au progrès technique. Il en va de la relation au monde de
l'artisan ou l'ouvrier et plus précisément du corps humain qui d'une part
allège son travail par l'utilisation d'un instrument (l'outil), d'autre part
s'asservit (la machine) lorsqu'il ne fait pas un usage raisonné de ce qu'il a
cependant produit.
Lola
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